Goma : Larmes du Camp Katindo

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Midi n’a jamais été un bon moment dans le camp militaire Katindo. D’un côté les pleurs, de l’autre les dames et leurs enfants se lavent les mains pour manger du foufou accompagné d’haricots et légumes dans des maisonnettes, ces bicoques souvent inimaginables dans la ville touristique de Goma. Mais bon ! C’est le mode de vie des familles de nos vaillants soldats. Il suffit de se faire un paysage de cet espace vital pour conclure que le pays ne va pas bien. Là-bas, les couples ont souvent des problèmes. Des supérieurs, certains, font des bons yeux aux femmes de leurs subalternes. Entre militaires, se tirailler à cause des femmes est un quotidien. Pire encore, ce milieu regorge nombreux  enfants dont la paternité pose problème. « Comment est-il possible de trouver un enfant de six mois à la maison alors que papa venait de faire toute une année en mission ? « , question d’un soldat dont le ménage connait ce problème. La réponse cette problématique est simple. La solde minable est à la base de la prostitution. Mais, pas toutes, les femmes correctes y existent et Annette fait partie des jeunes femmes irréprochables. Fidèle, son attitude est enviée et témoignée par son entourage.

L’irréprochable Annette

Rien à faire ! Parlons de la situation féminine surtout que le mois de la femme est derrière nous juste un peu : Annette est épouse d’un jeune militaire en séjour sur le front. Sa maisonnette polluée par la sonorité de la bonne musique, la Rumba congolaise. Elle se fait plaisir, elle chante, elle bouge avec son bébé au dos. Un si joli bébé de trois mois environ.

Il existe un comité des femmes veuves des militaires. Ce Comité est composé des femmes expérimentées dans l’art oratoire de consolation et d’encouragement. Ces femmes fortes dont les époux ont quitté ce monde des années durant sont tellement respectées dans cette entité. Quand l’une d’elles est aperçue de loin, l’aire du voisinage devient noire. Tout le monde tourne son regard vers l’ange de la mort, surtout pour la famille dont le père est au front.  Généralement souriantes, ces femmes sont amies à toutes les jeunes femmes.  Elles ont des mots pour convaincre. Elles expliquent sans cesse la fragilité du couple avec un militaire. Il peut  se rompre à tout moment. 

La mort chez Annette

Assise sur son canapé de fortune, son bébé s’endort calmement juste à côté d’elle, veuille sur lui toute souriante. A la porte, toc-toc, « Annette tu es là ? « , questionne Maman Brigitte, la Présidente du comité. Maligne, elle entre en feignant le sourire. Annette le suspecte et dit tristement: « bienvenue Maman. Comme ton sourire ne m’inspire pas confiance, as-tu une triste nouvelle à m’annoncer ».  » Non ! Tout va bien. Le commandement a besoin de nous au bureau pour une communication importante », rétorque la présidente. Mentir dans ce contexte est une évidence dans la culture congolaise, voire africaine.

A la porte du bureau, Annette reste perplexe. Tout le comité est présent. A son approche tout le monde  fond en larmes. Le pire est arrivé.  Elle ne sait plus faire même un pas de plus quand elle voit de loin les galons et la tenue sur laquelle sont mentionnés les identifiants de son chéri. Jambes presque paralysées, elle tombe par terre. Epaulées par d’autres femmes victimes de la guerre. Elles pleurent, chacun citant le nom de son feu mari.  A Dieu chers vaillants, ces FARDC et héros de guerre.

Frank Kipuni

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